Tirailleurs marocains (0047FN0001)
Résumé
Contexte et analyse

L’hiver est rude pour l’armée française qui combat pied à pied les Allemands d’abord dans les Vosges puis dans la plaine alsacienne. La Wehrmacht oppose une résistance farouche pour se maintenir dans cette province annexée au Reich depuis 1940. Les combats durent de novembre 1944 à mars 1945, les Allemands s’accrochant au nord de l’Alsace et autour de Colmar. Les combats, dans la neige, sont extrêmement violents, tant pour les soldats que pour les Alsaciens qui voient leurs villages réduits en cendres[3]. Des milliers de soldats sont tués ou blessés, des villages sont rasés, les champs et les vignes sont minés. L’Alsace, meurtrie par quatre ans d’annexion, est achevée par quatre mois de combats intensifs.
Un professeur d’anglais dans la 1re Armée française

La 1re Armée française nait de la nécessité de fusionner les Forces Françaises Libres et l’Armée d’Afrique après le ralliement des autorités coloniales françaises aux Alliés à la suite du débarquement alliés. L’amalgame peine à se faire, les deux composantes rechignant à être assimilées à l’ennemi d’antan, d’autant que leurs chefs respectifs – les généraux de Gaulle et Giraud – s’écharpent pour le pouvoir. Les premières troupes françaises sont envoyées en Italie au sein du Corps Expéditionnaires Français, puis la 1re Armée devient opérationnelle et participe au débarquement en Provence le 15 août 1944. Formés en Afrique à partir des troupes coloniales françaises, ses soldats sont en majorité originaires des colonies : colons et colonisés s’y côtoient. Ces derniers, appelés « indigènes » par les cadres de l’armée, représentent, en août 1944, 60% des effectifs de la 1re Armée.

Mais l’hiver 1944-1945, alors que la bataille fait rage sur les Vosges, est également un moment de tension entre les soldats venus des colonies et la métropole. Les troupes se sentent délaissées par la population de la France libérée : les difficultés matérielles, le manque de permissions pour l’Afrique et surtout les combats incessants pèsent sur le moral. Pourtant l’armée française a entamé le très controversé « blanchiment » de ses troupes, retirant des premières lignes les soldats noirs pour les remplacer par des soldats recrutés en France et issus des rangs de la résistance. Néanmoins, les tirailleurs marocains, réputés pour leurs capacités de combats en montagne restent en ligne jusqu’à la fin des opérations européennes, même si les pertes peuvent être comblées par l’adjonction de recrues provenant des territoires métropolitains libérés.
Moments de détentes autour de la caméra
Tous se prêtent au jeu du cinéaste. L’escouade de tirailleurs marocains se tient fièrement au garde à vous devant le poste de commandement. Il s’agit surement d’une mise en scène pour la caméra, Albert-José Axelrad les filme de très près ce qui serait impossible avec la solennité d’une cérémonie officielle. Le cinéaste s’attarde sur l’aspect exotique de l’unité, fait des gros plans : les coiffes traditionnelles et l’étoile à cinq branches de l’insigne de l’unité. De leur côté, les officiers sont bien moins martiaux que leurs subordonnées : ils sortent de leur poste de commandement en fumant, tenant nonchalamment leurs holsters à la main, saluant d’un sourire le sous-lieutenant qui tient la caméra. Tous profitent du calme relatif qui est revenu après le difficile hiver à combattre pour la libération de l’Alsace.
La longue séquence de « défilé » qui suit montre bien le besoin de détente qui habite les soldats. La caméra devient alors le centre d’un jeu qui rassemble quelques officiers français, un tirailleur à la veste blanche et deux femmes. Elle mobilise les attentions des militaires en les sortant de leur ordinaire et potentiellement de leur ennui comme dans le film tourné par Emile Breesé durant la drôle de guerre[6]. Chacun défile devant la caméra, en couple ou en groupe, un homme revêt le manteau de fourrure de l’une des femmes : tous jouent et s’amusent devant l’objectif. Pourtant la rue semble encore porter les traces des combats, les bords de chemins sont remplis de gravas et les carreaux du bâtiment au fond de la rue sont brisés. Le village dans lequel stationnent les tirailleurs porte encore les stigmates de la libération : les toitures sont éventrées, les murs criblés d’impacts. Mais la guerre touche à sa fin, ces hommes, stationnés à l’arrière du front, le ressentent. Après avoir participé à toutes les campagnes de la Libération, Albert-José Axelrad reste en Alsace alors que les troupes françaises rentrent en Allemagne. Profitant de se relâchement de la tension, le cinéaste se permet de sortir sa caméra pour immortaliser ces moments de joie alors que la fin de la guerre se dessine. Et lui aussi veut apparaitre à l’image et se joindre à ce jeu ! La dernière séquence le montre sortant de la maison, donnant l’accolade à un ami et souriant à l’objectif de la caméra qu’il a confié à un autre camarade.Bibliographie
BUFFETAUT Yves, La 1re armée française : Vosges, Alsace, 1944-1945, Louviers, Ysec, 2019.
CLAYTON Anthony, Histoire de l’armée française en Afrique : 1830-1962, Paris, Albin Michel, 1994.
MIOT Claire, « L’armée de l’empire ou l’armée de la nation ? Front et arrières pendant la seconde campagne de France (1944-1945) », dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 2015/3, no259, p. 39 à 56.
BERNAGE Georges, de LANNOY François & MCNAIR Ronald, Bataille d'Alsace 1944-1945, Bayeux, Editions Heimdal, 1992.
Echanges avec Pierre Axelrad, fils d'Albert-José Axelrad, décembre 2020.Documents annexes
ECPAD, SCA9, La prise de Colmar par la 1re armée, Service Cinématographique de l’armée, 1945. Consulté en ligne le 3 décembre 2020, URL : http://archives.ecpad.fr/sca-9-la-prise-de-colmar-par-la-1re-armee/
Libération de Colmar sur Rhinédits:
https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Lib%C3%A9ration_et_Fin_de_l%27occupation_%C3%A0_Colmar_(0024FS0002)
Article rédigé par
Baptiste Picard, 29 décembre 2020
- Aller ↑ Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.
- Aller ↑ Dans Georges Bernage, François de Lannoy & Ronald McNair, Bataille d'Alsace 1944-1945, Bayeux, Editions Heimdal, 1992, p. 314.
- Aller ↑ ECPAD, SCA9, La prise de Colmar par la 1re armée, Service Cinématographique de l’armée, 1945. Consulté en ligne le 3 décembre 2020, URL : http://archives.ecpad.fr/sca-9-la-prise-de-colmar-par-la-1re-armee/
- Aller ↑ Dans Yves Buffetaud, La 1re armée française, Vosges-Alsace 1944-1945, Louviers, YSEC, 2019, p. 50.
- Aller ↑ Dans Georges Bernage, François de Lannoy & Ronald McNair, Bataille d'Alsace 1944-1945, Bayeux, Editions Heimdal, 1992, p. 387
- Aller ↑ Emile Breesé, drôle de guerre à Bénestroff: https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Dr%C3%B4le_de_guerre_%C3%A0_B%C3%A9nestroff_(0021FN0002)